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Atelier 2018

Sciences et croyances : enjeux éthiques de la construction des connaissances scientifiques

La démarche scientifique repose sur un ensemble d’éléments théoriques et méthodologiques tels que l’observation, l’expérimentation, ou la modélisation, et les réalisations et productions de la science sont toujours sujettes à controverse. De plus, les trajectoires d’innovations et les applications qui découlent des recherches scientifiques remettent en questions à la fois les systèmes de valeurs et de croyances existant généralement au sein d’un pays, et servent également leur évolution. Ainsi les scientifiques sont sans cesse mis au défi de démontrer l’exactitude et l’innocuité des connaissances qu’ils produisent. Or la science bien souvent bouscule ou valide des idées préconçues portées par des croyances ou savoirs. Mais elle peut également s’en inspirer. Si les connaissances scientifiques ne sont pas simples à communiquer, elles doivent pourtant nécessairement faire l’objet d’un contrôle démocratique. Facilement et régulièrement attaquée, la science doit aider à construire un modèle de société désirable. Quel modèle de société souhaitons-nous développer pour demain ? De quelle manière les croyances et les valeurs, individuelles et collectives, impactent-elles les trajectoires d’innovation scientifiques et les décisions prises quant à leurs applications ?

Quels sont les sujets polémiques régulièrement placés au centre du viseur des mouvements contestataires ? Quels sont les argumentaires invoqués ? Comment démêler le certain de l’incertain ? Les citoyens, parfois égarés au milieu d’une cacophonie médiatique relayée par les réseaux sociaux et une suspicion constante de conspirationnisme, n’ont pas forcément les clés pour envisager une innovation dans le respect de leurs propres systèmes de valeur et de croyance.

Cet atelier de réflexion vise donc à aborder certains sujets d’actualités dans (1) les sciences médicales et les sciences humaines et sociales, dans (2) les sciences agronomiques, et au niveau des enjeux de (3) la communication, de l’information et de l’éducation scientifique. Ainsi les trois volets de cet atelier sont complémentaires afin d’avoir une vision globale des connaissances existantes sur les sujets traités dans ces domaines et d’ouvrir le débat au public sur les tensions pouvant exister entre science, croyances et connaissances.


  • Volet 1 – Sciences médicales et Sciences humaines et sociales
  • Volet 2 – Sciences agronomiques
  • Volet 3 – Communication, (in)formation et éducation scientifique


Programme

Sciences médicales et Sciences humaines et sociales 29 mars, Faculté de Médecine de Toulouse


Animatrice
  • Anne-Marie Duguet, Maître de conférences Émérite Inserm, UMR 1027 – Université Paul Sabatier, Toulouse.
Intervenants
  • Patrice Massip, Infectiologue, Professeur Emérite des Universités, CHU de Toulouse, Maladies infectieuses et tropicales.
  • Jean-Yves Goffi, Philosophe, Professeur Emérite, Université Grenoble Alpes, Laboratoire Philosophie, Pratiques et Langages, Grenoble.

L’atelier de réflexion éthique de la plateforme permet une discussion ouverte entre des personnes du monde scientifique, universitaires et chercheurs, des professionnels et plus largement le public. Il s’agit de confronter savoir et croyance. Le public n’a pas toujours un accès à des connaissances scientifiques validées parce que dans notre monde très médiatisé des informations de toute nature circulent. L’internet offre un support idéal à des groupes de pression qui expriment des théories remettant en question les acquis, les pratiques et les choix. Les comportements évoluent en s’appuyant sur de nouvelles croyances.

Sur le thème  des sciences médicales et sciences humaines et sociales, nous nous proposons de réfléchir et discuter sur deux sujets polémiques l’un sur la vaccination sera introduit par le Dr Patrice Massip infectiologue et l’autre sur le transhumanisme pour lequel le Pr Jean-Yves Goffi philosophe, présentera le point de vue de sciences humaines.

 

L’éclairage donné par le docteur Massip « Vaccin, vaccination et éthique » ouvrira un champ de discussion très large puisque la vaccination a apporté de grands progrès pour la santé des populations et conduit à la disparition de certaines maladies parce qu’elle était appliquée de manière collective. La vaccination est maintenant contestée à titre individuel et les craintes sur les risques liés à l’utilisation des vaccins, régulièrement pointés du doigt par les ligues anti-vaccinations. Cependant la baisse du nombre de personnes vaccinées qui assuraient la protection de la population a permis la résurgence de maladies qui avaient disparu et on pourra s’interroger sur le fait de mettre en balance l’intérêt individuel et le libre choix de vacciner ou non, dès lors que pour des motifs de protection de la population les vaccinations sont rendues obligatoires. L’auditoire pourra aussi poser des questions sur les bienfaits scientifiques des vaccinations quand la prévention est le seul moyen d’empêcher une affection contagieuse dangereuse. Un temps sera consacré aux questionnements éthiques suscités par la présentation du Dr Massip et qui seront discutés en groupes.

 

La question du « Transhumanisme » est largement présentée et discutée dans les médias et constitue ce qu’on pourrait appeler un sujet à la mode. Une clarification sur ce qu’il faut entendre par transhumanisme sera donnée par le Pr Goffi. En effet, nous sommes là dans le domaine des croyances et des peurs pour lesquels il convient du point de vue éthique d’essayer pour chaque citoyen de comprendre quels sont les enjeux et quels choix pourront être faits. La distinction entre ce qui est techniquement possible maintenant ou dans un avenir proche doit pouvoir s’appuyer sur des éclairages scientifiques qui pourront être débattus. S’il est possible d’accepter de repousser les limites de l’humain le Pr Goffi nous propose des stratégies pour prendre en main notre évolution et nous aider à distinguer de la science-fiction, les avancées scientifiques et techniques qui sont crédibles. Les différentes compétences de l’auditoire vont conduire à des questionnements éthiques et espérons-le à une clarification mais peut-être aussi à une complexité plus grande. Si l’on prend en compte la mondialisation des techniques, expériences, projets, programmes peuvent être mis en œuvre dans certains pays on peut s’interroger sur les inégalités d’accès à de tels programmes. La vision du philosophe nous aidera à faire la part de ce qui relève de l’idéologie et de ce qui pourrait être un bien commun. Les opinions personnelles et le résultat de nos discussions seront précieux.


Sciences agronomiques 3 mai, Hôtel de Région de Toulouse


Animateur
  • Eduardo Manfredi, Directeur de recherche, UMR 1388, GenPhySE, INRA, Castanet-Tolosan, et Membre de la Plateforme Ethique et Biosciences (Genotoul Societal).
Intervenantes
  • Gervaise Debucquet, Enseignante-Chercheuse à AUDENCIA Nantes, Ingénieure agronome et Sociologue des risques technologiques en alimentation.
  • Laurence Huc, Docteure en biologie, Chargée de recherche à l’INRA, UMR 1331 TOXALIM, Responsable de l’équipe COMICS Contaminants & Stress Cellulaire.

Les sciences agronomiques sont généralement associées à la notion d’agriculture. Au-delà de la pratique agricole en tant que telle, l’agronomie prend en compte les facteurs environnementaux (ex : qualité des sols, climat), techniques (ex : méthodes de fertilisation et d’irrigation) et technologiques (ex : organismes génétiquement modifiés, pesticides) pouvant impacter, d’une manière ou d’une autre, sur la production agricole. L’étude de ces différents facteurs vise à optimiser cette production agricole de différentes manières, que ce soit en termes de rendement, de qualité des produits (ex : nutritionnelle, gustative) et/ou de rentabilité économique. Cette optimisation ne peut cependant pas se faire aveuglément, et les sciences agronomiques doivent désormais prendre en compte l’impact environnemental et les enjeux de santé publique pouvant être associés à cette production.

 

Nous proposons alors de démêler les « sciences et croyances » associées à cette thématique au travers de l’exemple concret des organismes génétiquement modifiés (OGM) régulièrement sujet à controverses ; nous prendrons ensuite l’exemple de la pomme, afin d’illustrer ces controverses tout en développant le point de vue de chacune des parties prenantes.


Communication, (in)formation et éducation scientifique – 21 juin, Faculté de Médecine de Toulouse


Animateur
  • Gauthier Chassang, Juriste, UMR 1027 Inserm-Université Paul Sabatier, US 13, Co-Responsable de la Plateforme Ethique et Biosciences (Genotoul Societal).
Intervenants
  • Christine Ferran, Responsable du service Information scientifique et communication de la Délégation régionale Inserm – Occitanie Pyrénées.
  • Denis Faïck, Maître de conférences en Philosophie, Faculté de Philosophie – Institut Catholique de Toulouse, Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace (SUPAERO) et Université Toulouse I Capitole.

Les relations entre la science et la société sont essentielles et se doivent d’être transparentes et réciproques, dans l’intérêt général. Cela passe par une bonne communication et une éducation des citoyens. La prise en compte des questions éthiques qui entourent la communication, en particulier vers les médias, d’informations scientifiques (fondamentales ou appliquée, médicales, environnementales etc.) est très importante en ce qu’elle participe à l’éducation des citoyens sur des questions souvent complexes. Dans le même temps, elle contribue à renforcer le socle d’une relation sereine, de confiance, entre chercheurs et citoyens. En effet, comme le notait le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) en 2007 (Avis 109), certaines  annonces peuvent être source de faux espoirs ou de désillusions, et accroître certaines interrogations sur le rôle de la recherche scientifique, en particulier la recherche médicale, dans notre société. Le Conseil Economique et Social soulignait en 2002 que « l’interrogation croissante des citoyens sur certains aspects du développement scientifique » concerne « moins directement la science elle-même (…) que ses applications ». Or, comme le dit le Professeur Alain Fischer dans sa demande de saisine du CCNE « une divulgation prématurée et imprudente d’informations qui in fine peuvent s’avérer non valides est contre-productif ». Une telle divulgation peut mener à une véritable crise de confiance, de nature à rompre le dialogue entre scientifiques et société.

 

Alors que les Français sont amenés à prendre part au processus législatif de révision des lois de bioéthique de 2011, le CCNE ayant été chargé de réaliser une consultation citoyenne au travers des différents Espaces régionaux de réflexion éthique dont la synthèse sera transmise à Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST), ces aspects de communication de l’information et de l’éducation scientifique n’apparaissent que plus important pour faciliter cet exercice démocratique. D’une manière générale, la communication et l’éducation des citoyens sur les avancées scientifiques permettent également de réduire la part grandissante des thèses complotistes, souvent infondées, qui prêtent à confusion et se répandent largement via internet en touchant un public de plus en plus jeune, peu équipé pour faire une analyse critique des messages diffusés. Une récente enquête de l’IFOP (2017) nous montre l’ampleur de l’impact que cela peut avoir sur la population. Selon l’étude,  55% des français sondés expriment une méfiance vis-à-vis des vaccins en déclarant être d’accord avec l’affirmation selon laquelle « Le ministère de la santé est de mèche avec l’industrie pharmaceutique pour cacher au grand public la réalité sur la nocivité des vaccins ». Et ce n’est qu’un exemple car nous pouvons noter que, d’après cette enquête, cette défiance va bien au-delà des seuls vaccins et concerne tous les domaines scientifiques (32% des interrogés déclarent que « le virus du sida a été créé en laboratoire et testé sur la population africaine », 16% que « les américains ne sont jamais allés sur la lune », et 9% qu’ « il est possible que la Terre soit plate »). Tout le monde est concerné par ces enjeux, professionnels de la recherche et profanes.

 

Cet atelier vise donc à explorer les dimensions éthiques liées à l’information scientifique, de la pratique de la communication à l’éducation, au travers de présentations de professionnels impliqués et d’un débat avec l’ensemble des participants. D’éventuelles pistes d’améliorations pourraient se dégager de ces échanges.