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Atelier 2016

Modifications ciblées des génomes et enjeux éthiques

Certaines ruptures technologiques font sauter des verrous et repoussent les limites à la fois de nos capacités d’exploration de systèmes biologiques, d’approfondissement des connaissances et d’applications médicales ou dans divers autres domaines. Nous vivons en direct une de ces ruptures qui font reculer nos horizons avec une nouvelle technologie d’ingénierie du génome grâce notamment au système CRISPR/Cas9. L’intérêt du système CRISPR/Cas9 est d’être guidé par une courte séquence d’ARN qui positionne très précisément Cas9 là où l’expérimentateur souhaite introduire la coupure. Ces guides ARN sont peu onéreux et aisés à produire. Une fois l’ADN coupé, il est réparé voire remplacé par une séquence d’ADN choisie. Ces caractéristiques ont provoqué une diffusion extrêmement rapide de cette technologie. Si la puissance de la technologie fait l’unanimité et vaut à ses découvreurs de nombreux prix et une aura scientifique certaine, d’intenses polémiques sur ses applications agitent les milieux scientifiques et les instances académiques, politiques, éthiques aussi bien que le monde du droit de la biotechnologie.

L’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (OPECST) vient d’être saisi sur ce sujet et travaille sur ”Les enjeux des nouvelles biotechnologies : la modification ciblée du génome avec CRISPR-Cas9”. Cet atelier de réflexion aborde ce sujet d’actualité en s’intéressant aux modifications ciblées des génomes sous l’angle de leurs enjeux éthiques, dans différents contextes : génome humain et thérapies, génome animal, génome végétal et génome de microorganismes. Ainsi les 4 volets de cet atelier, d’une ½ journée chacun, sont complémentaires et doivent permettre une vision globale de ce domaine dont les membres de la plateforme proposent une synthèse qui pourra être communiquée aux instances nationales qui organisent débats et consultations sur ce sujet.


  • Volet 1 – Modifications ciblées du génome humain et thérapies
  • Volet 2 – Modifications ciblées du génome animal
  • Volet 3 – Modifications ciblées du génome de micro-organismes
  • Volet 4 – Modifications ciblées du génome végétal


Programme 

Modifications ciblées du génome humain et thérapies – 14 avril, Faculté de Médecine de Toulouse


Animatrice
  • Anne Cambon-Thomsen, Médecin généticienne, Directrice de recherche émérite au CNRS, UMR 1027 Inserm et Université Paul Sabatier – Toulouse III, Responsable de la Plateforme Genotoul Societal et Présidente de la Société Française de Génétique Humaine
Intervenants
  • Pierre Cordelier, Directeur de recherche, UMR 1037 Inserm et Université Paul Sabatier – Toulouse III, Responsable d’équipe au Centre de Recherche sur le Cancer de Toulouse et Président de la Société Française de Thérapie Cellulaire et Génique
  • Emmanuelle Rial-Sebbag, Juriste, Directrice de recherche, UMR 1027 Inserm et Université Paul Sabatier – Toulouse III, Responsable de l’équipe Epidémiologie et Analyses en Santé Publique et Membre de la Plateforme Genotoul Societal

Ce premier volet permet de mettre en perspective la technologie CRISPR/Cas9 de modification ciblée du génome humain, de façon générale et de souligner les limites actuelles de ses applications avec Pierre Cordelier, puis d’entrer dans les enjeux juridiques soulevés dans le domaine de la recherche biomédicale et de ses applications cliniques avec Emmanuelle Rial-Sebbag. Ceci permet de s’appuyer sur les travaux d’un groupe de travail de ces deux sociétés qui contribue au débat actuel à plusieurs niveaux et notamment sur le vocabulaire utilisé dans ce domaine de l’ingénierie du génome et ses enjeux, et sur les questionnements au sujet de modifications transmissibles éventuelles. La discussion avec les participants à l’atelier est essentielle comme vecteur du débat public qui se développe sur ces enjeux. Ce sujet d’actualité a d’ailleurs donné lieu à la publication d’un article dans Le Monde sous le titre : “Génomique : il faut clarifier le cadre réglementaire”.


Modifications ciblées du génome animal – 26 mai, Muséum d’histoire Naturelle de Toulouse


Animateur
  • Eduardo Manfredi, Directeur de recherches à l’INRA
Intervenants
  • Alain Ducos, Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse
  • Annabelle Meynadier, Maître de conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, Présidente du Comité d’Éthique Sciences et Santé Animales

Après une présentation rapide des méthodes disponibles pour la modification ciblée du génome animal, l’atelier aborde les applications actuelles et potentielles en recherche et en développement, ainsi que les bénéfices, coûts, évolutions réglementaires et risques associés. L’ensemble du règne animal est concerné par ces applications, depuis les moustiques vecteurs de maladies humaines jusqu’aux animaux de compagnie. L’atelier porte principalement sur les applications actuelles ou potentielles des nouvelles techniques d’édition pour la modification des génomes d’espèces animales d’élevage (création de nouveaux modèles animaux, applications “agronomiques”).


Modifications ciblées du génome de micro-organismes – 29 septembre, Faculté de médecine de Toulouse


Animateur
  • Vincent Grégoire-Delory, Maître de conférences, Directeur de l’Ecole Supérieure d’Ethique des Sciences et de la Santé à l’Institut Catholique de Toulouse, Responsable de la Plateforme Éthique du consortium Toulouse White Biotechnology
Intervenants
  • Bernadette Bensaude-Vincent, Philosophe, Professeur émérite à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
  • Thierry Magnin, Professeur des Universités, Directeur du Groupe d’épistémologie et d’éthique des sciences et technologies, Recteur de l’Université catholique de Lyon.

 


Ce volet aurait pu s’intituler “découvrir ou redécouvrir le vaste monde des microbes”. Nous ne les voyons pas mais ils sont partout et colonisent entièrement notre planète bleue. Bien longtemps considérés comme dangereux ou à éviter, ils souffrent certainement d’une mauvaise réputation dans notre société aseptisée. Et pourtant, que ferions-nous sans eux ? Nous le savons bien, ils colonisent des parties entières de notre corps et participent activement à son fonctionnement. Du reste, leur nombre dépasse très largement celui de nos propres cellules humaines ! Nous pourrions presque dire que les Homo sapiens (presque) sapiens sont de véritables symbioses humano-microbiennes… En plus, ils nous aident bien ces microbes ! A condition de le leur demander gentiment, ils peuvent fabriquer des molécules d’intérêt dans des domaines aussi variés que celui des biocarburants ou de la recherche pharmaceutique par exemple. Il est désormais possible de les « programmer » un peu à la façon de programmes informatiques. C’est ainsi que, chaque année, des centaines d’équipes d’élèves-ingénieurs participent au fameux concours iGEM leur proposant, le temps d’un été, de mettre au point de nouveaux programmes lisibles et exécutables par une machinerie vivante microbienne. L’équipe gagnante reçoit un trophée sous la forme d’une brique géante de Lego…

 

Mais alors, s’il paraît si aisé de programmer des microorganismes, en deviennent-ils pour autant des “machines vivantes” ? Devons-nous également nous attendre à accueillir dans notre corps de tels êtres ? Dans quels buts ? Ces microorganismes modifiés sont-ils susceptibles de changer notre environnement ? Qu’en est-il des recherches récentes en « xénobiologie » (microorganismes vivant avec un ADN non conventionnels). Les bio-nanotechnologies sont-elles en passe de fabriquer le vivant et de percer la passionnante énigme de l’origine du vivant sur Terre ? Et les gamètes ? Peuvent-ils également être considérés comme des microorganismes modifiables ? Le “transhumain” sera-t-il issu de gamètes modifiés, “améliorés” par ingénierie génétique ? Nous le voyons, les modifications ciblées du génome de microorganismes posent de multiples et passionnantes questions scientifiques et de société que nous tâcherons d’aborder au cours de cet atelier. A cet effet, nous recevons deux spécialistes des questions éthiques posées par les technosciences : Mme Bernadette Bensaude-Vincent et M. Thierry Magnin.


Modifications ciblées du génome végétal – 10 novembre, Hôtel de Région


Animateur
  • Alain-Michel Boudet, Professeur émérite de biologie végétale à l’Université Paul Sabatier
Intervenants
  • Michel Delseny, Directeur de recherche émérite au CNRS, Université de Perpignan
  • Fabien Nogué, Chargé de recherche à l’INRA, Versailles
  • Peter Rogowsky, Directeur de recherche à l’INRA, ENS de Lyon

Les mots “chocs”, les expressions imagées se multiplient dans l’espace médiatique pour évoquer les potentialités du système CRISPR-Cas9 : le big bang de la génétique, la révolution CRISPR, un véritable tsunami, CRISPR : le couteau suisse de la génétique. Les domaines d’exploitation prévisibles de cette approche biotechnologique inspirée de stratégies de défense « immunitaire » des bactéries sont en effet très nombreux et prometteurs aussi bien au niveau de la recherche en laboratoire que des applications à des fins pratiques. Dans le domaine végétal, les perspectives sont multiples mais cet atelier sera focalisé sur un axe précis, la possibilité d’induire des mutations parfaitement définies et ciblées. Cette approche revêt un intérêt agronomique important puisque la mutagénèse induite (non ciblée jusqu’à maintenant) a représenté un outil classique de l’amélioration des plantes qui a conduit à de nombreuses variétés commercialisées optimisées pour différents caractères. Les mutations ciblées présenteraient de grands avantages en permettant d’accélérer l’obtention de variétés d’intérêt et de réduire les coûts associés.

 

Les trois intervenants au niveau de cet atelier sont des experts reconnus du domaine de la modification des génomes des plantes :

  • Michel Delseny présente le cadre général, déjà historique et controversé, de la production d’OGM ;
  • Fabien Nogué évoque les nombreux changements spontanés qui confèrent aux génomes végétaux une plasticité remarquable et leur extension dans les programmes de mutagénèse induite, source de variabilité génétique utile en amélioration des plantes ;
  • Peter Rogowsky axe son exposé sur les aspects techniques de l’utilisation de CRISPR-Cas9 en mutagénèse ciblée et sur les problèmes réglementaires.
    Le thème retenu représente un bon exemple pour s’interroger sur les avantages, les limites, la dimension éthique et la relation avec les réglementations en vigueur d’un nouveau procédé biotechnologique de mutagénèse ciblée chez les végétaux.